lundi 21 novembre 2011

Segmentation de clientèle : exemple des TGV vers l'Italie

Je tiens un exemple amusant (si l'on peut dire) de segmentation de clientèle.

La liaison vers l'Italie est(était) assurée jusqu'au 10 décembre 2011 par une joint-venture entre Trenitalia et SNCF nommée Artésia. Pour diverses raisons cette alliance a cessé, et la SNCF reprend à son compte (avec l'aide de NTV) les liaisons de jour, tandis que Trenitalia reprend avec l'aide de Véolia les liaisons de nuit. Je vais parler de la liaison de jour.

Pour des raisons pratiques le TGV s'arrête à la gare de Modane, pour échanger les conducteurs, permettre à la douane de faire son travail etc.. Plutôt que de faire de cet arrêt un simple arrêt technique et de ne pas vendre du tout le trajet Paris->Modane et inversement, les contingents ont été complètement dissociés entre les trajets internationaux et les trajets nationaux. De même le pricing a été dissocié (ce qui est fréquent sur les trains internationaux).

Pricing

Rien de systématique, mais deux exemples amusants :

  • Je remarque que le tarif Flexi (en trafic international l'équivalent du tarif PRO s'appelle souvent comme ça) Paris->Italie (peu importe la gare d'Italie) en première classe est moins cher que le tarif Pro première Paris->Modane. À l'heure ou je l'écris, c'est 130 EUR contre 144 EUR. Cela ne m'étonnerait pas que l'effet soit dû aux règles algorithmiques qui donnent les tarifs domestiques (bien qu'en première la SNCF est censée pouvoir faire ce qu'elle veut) contre aucune règle mécanique du tout pour l'international.
  • Les prem's (ou assimilés) ont l'air moins chers quand on traverse la frontière.
Peut-être s'agit il bêtement de la TVA qui se rajoute en parcours domestique ? À toute fin utile, je rappelle que les abandons de parcours sont possibles.

Disponibilités

Là où ça devient funky, c'est au niveau des disponibilités (en tout cas pour l'instant). Dans le sens Paris->Modane, à priori pas grand chose à signaler sauf que les disponibilités ont l'air plus réduites, et ce dans toutes les classes de service, y compris jusqu'à mentir dans la classe de confort disponible. Par exemple à l'heure où j'écris, le Paris->Modane (TGV 9241) du 02 février à 7h49 n'a prétendument plus de place en seconde, mais il reste des places en Prem's en première, ce qui met la puce à l'oreille. Évidemment, si je demande Paris->Bardonnechia (juste derrière le tunnel du Fréjus), la seconde est ouverte, et avec des prem's. Joli mensonge.

Dans le sens Modane->Paris, c'est pire. Là, tout est carrément marqué complet (ce sont certainement des groupes qui ont tout réservé :-), sauf le samedi et dimanche. Quelques disponibilités ont l'air d'apparaître quand on s'approche du jour du départ (au moment où j'écris, des places viennent de se "libérer" sur les trains quelques jours après le 11 décembre). Là aussi, c'est un mensonge, il reste des prem's sur presque tous les trains dont la date de départ est dans plus d'un mois. De manière amusante, on peut réserver un Bardonecchia->Modane pour pas grand chose et donc "griller" une place pour tout le monde (les gens qui voudraient monter à Milan pour aller en France et les gens qui veulent monter à Modane ne peuvent de toutes façons pas réserver).

Je rappelle que les billets au départ des gares étrangères à destination de la France n'ont pas à être compostés.

Où est la logique ?

J'ai l'impression qu'il y a un certain manque de logique :

  • D'une part, les trains ouverts-mais-chers au départ de Paris semblent accréditer la thèse que l'on n'aime pas que les passagers descendant/montant à Modane fassent perdre du revenu.
  • D'autre part les trains carrément fermés à la montée à Modane vers Paris semblent plutôt accréditer la thèse que l'on cherche à maximiser le nombre de voyageurs transfrontaliers afin de laisser le moins de marché possible aux trains de nuits (passés à la conccurence), et qu'il y a donc d'autres critères que le revenu pur.
Mais la combinaison des deux me laisse perplexe. Il pourrait donc y avoir une erreur quelque part ou bien une limitation technique.

Dernière remarque

Les tarifs Éco ont l'air d'avoir des conditions de remboursement/échanges avec des retenues variables en fonction du niveau de prix. Cela pourrait préfixer un changement en ce qui concerne la tarification domestique, au niveau des tarifs loisir.

Edit (2011-11-22) : Cette entrée du blog de Capitaine Train confirme.

vendredi 18 novembre 2011

Titre de transports : billets papier

J'appelle billet papier un titre de transport à priori pièce unique dont la seule présentation est une preuve de l'existence d'un contrat de transport entre le porteur et la SNCF. Cela ne concerne donc pas les billet dématerialisés.

Voici une copie (un peu trafiquée) d'un billet domestique comportant une réservation sur un TGV et une correspondance en TER. Il a été ticketé (c'est à dire imprimé) sur une borne automatique dans une gare, après avoir été payé sur voyages-sncf.com.

Légende :
  1. Classe de service sur le TGV. AD donc en première classe, contingent D.
  2. Code tarif à deux lettres et deux chiffres. Ici CJ11 désigne la Carte 12/25, probablement comme "Carte Jeune". À priori un billet ne peut avoir qu'un seul code tarif.
  3. Prix effectif du premier segment.
  4. Kilométrage du premier segment.
  5. Niveau de prix du TGV. "PP" pour période de pointe. La période normale est indiquée "PN".
  6. Type de titre. Ici c'est "DV", comme titre de transport domestique à train désigné. Il y en a plein d'autres. Notamment les billets internationaux ("IV"), les billets ouverts sans mention de train ("DT"), mais aussi les cartes d'abonnement ("BA","BB"), les coupons d'abonnement ("BC","BD"), les cartes de réduction ("EJ" p.ex. pour les cartes 12/25) etc.. En fait tout ce qui est considéré comme un billet par le système de réservation a son type de titre, y compris donc les confirmations e-billets ou les mémos e-billets.
  7. Numéro du billet pour le système de réservation. C'est un compteur qui cycle environ tous les 9(?) mois et dont le dernier chiffre est le reste de la division euclidienne par 7 du nombre formé par les huit autres chiffres. Tous les titres se partagent la même séquence.
  8. Pourcentage de réduction sur le second segment.
  9. Numéro du billet qui tient la réservation. Il est préfixé par 87, qui est le code UIC court de la SNCF (et donc probablement le code CIT de la SNCF). Dans notre cas, la suite est égale au numéro de titre (suivi d'un checksum que je ne sais pas calculer mais qui est probablement un reste modulaire), mais cela peut être autre chose, par exemple quand les réservations sont gérées par une autre entité et que la SNCF émet le billet pour le compte de cette autre entité (typiquement sur les titres internationaux).
  10. Numéro de dossier voyage (ou PNR) qui détient le billet. Le dossier, outre les billets contient les réservations, des notes sur les passagers etc.. C'est la clef de base pour les entrées dans le système de réservation.
  11. Type de paiement, suivi ici du numéro. Certain de ces codes sont repris de l'industrie aérienne. "TS" apparaît sur les billets télépayés par téléphone ou voyages-sncf.com (télépaiement SNCF?). J'ai déjà vu "CA" (Cash), "CB" (Carte Bancaire), "TB" (titre bonus?? pour les titres primes), "CC" (carte de crédit style amex ?), "EC" (en compte, utilisé pour les titres vendus par les agences de voyage), "TG" (paiement par carte logée ??), "BV" (bon voyage), "CK" (chèque), "CV" (chèque vacances). Il n'est fiable que lorsque le titre est émis par la SNCF : il est fréquent de voir des titres émis par des agences de voyages avec la mention "CA", ce qui est un mensonge. Quand on paye au guichet un nouveau billet avec un autre billet, le type de paiement est recopié.
  12. Nom du guichet qui a "émis" le billet. Les bornes écrasent cette mention par la leur. Ici on voit que j'ai imprimé le billet à une borne de la gare de Paris Montparnasse.
  13. Date de création du billet (qui peut-être fausse, notamment lors d'un échange par téléphone d'un billet télépayé).
  14. Heure de création du billet.
  15. Identifiant hexadécimal du guichet émetteur. Chaque borne, chaque bureau de vente dans les gares, agences de voyages en a un. Voyages-sncf.com en a un paquet.
  16. Il peut y avoir plusieurs pages.
  17. Prix en EUR, à priori le prix par voyageur multiplié par le nombre de voyageurs. Il n'apparaît pas toujours : ni sur les premières pages d'un billet qui en comporte plusieurs, ni sur les billets dont on ne veut pas rendre public le prix (tarifs corporate[1], billet prime). Les étoiles servent à rendre difficile la fraude en vue de changer le prix payé. De même lorsque la page ne contient qu'un segment, les données du second segment sont remplacées par des étoiles. Vous pourrez noter que les étoiles dans la zone train sont différentes de celles des zones prix et réservation.
  18. Endroit de la mention d'un échange en borne libre service.
  19. La date d'arrivée n'est indiquée que quand elle est différente de la date de départ.
  20. Mention du train.
  21. Zone réservation. La deuxième ligne indique le type de placement, la troisième l'espace.
  22. Trajet couvert par le billet. Sert surtout quand le billet possède plusieurs pages.
  23. Nom/Prénom. Il n'existe pas toujours, notamment avec les billets émis au guichet ou dans les bornes (bien que le dossier dans le système de réservation possède bien un nom, il n'est pas affiché. Les bornes mettent A/A. Les guichets mettent xQQQ/??, avec x une lettre apparamment aléatoire et ?? valant peut-être Xx, avec x l'ordre du passager en commençant par A).
  24. Un billet peut posséder plusieurs voyageurs.
  25. Type de passager : adulte/enfant typiquement.
  26. Num de carte de fidélité, avec la mention que c'est une carte grand voyageur. Les numéros de client à la SNCF commencent toujours par 290901. Les cartes de fidélité ont le préfixe 09. Le dernier chiffre est un chiffre de contrôle. Quand un billet papier présente un numéro de fidélité SNCF, il devient incessible.
  27. Non fumeur !
  28. Numéro de série du carton. Préfixé par le code UIC court de la SNCF, et suivi d'un checksum probablement type UIC.
  29. Numéro de référence du carton. Les billets émis par les agences ont un autre numéro (l'impression de base est différente car il n'y a pas le blanc pour mettre le code à lecture optique), de même que les billets envoyés à domicile (car l'arrière est légèrement différent).
  30. Code à lecture optique type PDF417. Voir cette entrée pour plus d'informations.
  31. Zone mention facultative "publicitaire". À priori n'apparaît que lorsque le dossier a été créé en borne libre service ou au guichet. Je ne l'ai vue utilisée que pour indiquer les numéros de téléphone pour réaliser un échange (donc il est logique de ne pas les donner quand le passager a utilisé internet pour acheter le billet).
  32. Mentions supplémentaires, on y voit souvent le compostage automatique ou certaines condition d'utilisation.
  33. La Fiche Client Entreprise apparaît ici. C'est un numéro attribué aux entreprises par la SNCF et qui permet de faire du suivi. Ne concerne donc pas les billets vendus aux particuliers, et donc il ne figure pas sur ce billet.
  34. "Condition" d'utilisation du segment. Dépend de la classe de service du segment et du code tarif.
  35. Trou de compostage "à l'ancienne". Au dos on voit le code UIC de la gare (sans le préfixe 87) et le numéro du jour dans l'année.
  36. Trou du contrôleur. Il sert à éviter que l'on puisse présenter un billet deux fois.

[1] Pour les tarifs corporate, le prix est en fait indiqué dans le code tarif. Le numéro doit certainement être en relation simple avec un pourcentage de réduction sur le tarif PRO.

mardi 1 novembre 2011

Composition de segments étape 2

Après les généralités sur la compostion de segments, voici les détails mathématiques sur ce que je crois être la formule de composition des segments hétérogènes (navigateur supportant MathML requis).

La partie transport de chaque segment i est affectée d'un coefficient multiplicatif xi : si Pi est le prix initial du segment i, alors le prix final du segment P'i vaudra Pixi, arrondi au décime d'euro supérieur. En outre il ne peut être inférieur au minimum de perception. Par ailleurs on note Pin le prix plein tarif correspondant au segment i, et di la distance tarifaire du segment i.

On définit les deux grandeurs Q et Qn de la manière suivante :

  • Q = f ( j f - 1 ( P j ) ) (il s'agit de la formule exposée dans l'entrée précédente)
  • Q n = f ( j f - 1 ( P j n ) )
f est une fonction affine par morceaux similaire au tarif normal, qu'on peut approximer par la fonction xx0,85[1], et f-1 son inverse.

Les xi sont calculés de la manière suivante :

  1. x i = 1 pour les segments type Prem's (en fait je ne sais pas comment on combine des Prem's avec d'autres types de segments). Dans la suite je supposerai qu'il n'y a pas de Prem's.
  2. x i = Q P i d i j d j pour les segments sur les trains à gestion fine (TGV, Téoz, Lunéa).
  3. x i = Q n P i n d i j d j pour les segments sur les trains à reservation facultative.

Si on colle tous les morceaux et qu'on ignore les effets d'arrondis, la formule de compostion se résume à :

1 j d j ( Q { j } d j + Q n { j } d j P j P j n )

où l'ensemble contient les indices des segments pour les trains à gestion fine.

Exemple typique

Un usager veut faire Bordeaux→Paris→Rouen en seconde classe et possède une carte Sénior. Le départ se fait en période bleue, et le TGV Bordeaux→Paris est en période normale. Il reste des places en BD dans le TGV (tarif BDSR11PN), et l'usager aura une réduction de 50% (tarif BSR11PC50) dans l'Intercités puisque le départ est en période bleue. Comme les tarifs ne sont pas compatibles entre l'Intercités et le TGV, le prix global est déterminé grâce à la formule de composition des segments hétérogènes.

Les éléments de prix sont les suivants :

  • Bordeaux→Paris : P1 = 34,00 EUR; P1n = 70,80 EUR; d1 = 581 km.
  • Paris→Rouen : P2 = 10,80 EUR; P2n = 21,60 EUR; d2 = 140 km.

Je calcule :

  • Q = (341/0.85 + 10.81/0.85)0.85 = 41.36
  • Qn = (70.81/0.85 + 21.61/0.85)0.85 = 85.44
  • x1 = Q/P1 * d1/(d1 + d2) = 41.36 / 34 * 581/(581 + 140) = 0.98
  • x2 = Qn/P2n * d2/(d1 + d2) = 85.44 / 21.6 * 140/(581 + 140) = 0.77
  • P'1 = x1 * P1 = 0.98 * 34 = 33.32 → 33.40
  • P'2 = x2 * P2 = 0.77 * 10.8 = 8.32 → 8.40
  • Total = P'1 + P'2 = 33.40 + 8.40 = 41.80.

Je tente une réservation : le 1er novembre, à 18h45, il reste des places en BD dans le TGV 8412 du 17 novembre, 6h27. Je demande une réservation combinant ce train et le Paris→Rouen de 10h50. Résultat, 41.10 EUR. Je ne suis pas loin.

Explication

Dans l'entrée précédente, j'avais indiqué que l'idée de la composition des segments hétérogènes était de calculer les kilométrages fictifs correspondant aux prix de chaque segment, de sommer ces kilométrages puis de recalculer un prix à partir de cette somme. Cette façon de faire assure qu'on a une dégressivité du même ordre que lorsqu'on voyage au tarif normal. Et de fait, lorsque tous les segments sont au plein tarif, la formule horrible se réduit juste à Q.

Je pense que la formule actuelle peut s'expliquer par l'historique des tarifs de marché :

  • Avant les tarifs de marché, on avait juste le tarif normal, pas de composition à faire, il n'y a qu'à sommer les kilomètres et calculer un prix global, en ajoutant le prix d'une réservation si besoin (j'imagine que la réservation sur TGV était payante).
  • Ensuite les tarifs de marché ont été introduits, via une tarification globale. On a donc introduit la formule de composition avec les Qn et les pleins tarifs, puisque toutes les réductions étaient calculées en pourcentage du plein tarif, la réduction ayant lieu après calcul du coefficient xi du segment (donc deux fois l'arrondi).
  • Maintenant sur TGV l'essentiel des prix réduits (sauf quelques exceptions comme les groupes) est fixé à l'avance et non plus calculé par le système de réservation. Il a donc fallu faire une adaptation du calcul de dégressivité. Et comme on a voulu toucher le moins possible le système de réservation la formule s'est retrouvée sous cette forme à la Frankenstein, où les segments TGV voient le prix effectif mais pas les segments corail, qui voient le plein tarif, donc se trouve "dégressivés" de manière plus conséquente. Résultat, quand on combine une réduction à pourcentage et une réduction forfaitaire, le prix total est bien inférieur au prix auquel on pourrait s'attendre avec une formule simple.

[1] L'année dernière, le facteur semblait valoir 0,795. Les tarifs ont l'air d'avoir augmenté de manière insidieuse !