vendredi 13 janvier 2012

Vers la dématerialisation des billets

On entend généralement par billet un « titre de transport », c'est à dire un document qui atteste l'existance d'un contrat de transport entre le transporteur et l'usager.

Le cas le plus simple de billet est celui acheté en gare (ou en agence de voyage). Suite à la conclusion du contrat de transport (la condition préalable étant généralement le paiement de la prestation) le guichetier (ou la borne libre service) remet un exemplaire authentique du contrat. Cet exemplaire est ensuite utilisé pour justifier de l'existance du contrat (et qu'on en est le destinataire légitime), par exemple dans le train ou lors d'un échange. Souvent la SNCF garde une trace informatique des contrats conclus pendant la durée de leur période de validité (notamment parce qu'il faut faire l'inventaire des places occupées comme par exemple sur TGV), mais pas toujours (par exemple les billets au format carte bancaire valables sur les trains régionaux).

Billets télépayés

Le problème avec cette approche est que tout le monde ne va pas acheter ses billets en gare. Pour pallier à ce problème, la SNCF a créé les billets télépayés, dont la materialisation (ticketing dans le jargon) est différée (mais toujours unique). Cette fois-ci le client conclue à distance (par exemple par téléphone) un contrat de transport (et paye en donnant son numéro de carte bancaire), mais on ne lui remet pas tout de suite le billet (parce qu'on ne peut pas le faire passer par le téléphone). Au moment de la création du contrat, le client choisit le mode par lequel il récupèrera le billet :

  1. Impression par la SNCF et envoi par courrier
  2. Impression en borne libre service
  3. Impression au guichet
  4. Impression à domicile (le Billet Imprimé®)

Chaque mode de retrait est accompagné de certaines obligations, par exemple dans le cas des billets retirés en borne il est nécéssaire de présenter la carte bancaire ayant servi au paiement. De ce fait la SNCF s'assure que la carte ayant servi au paiement a bien été utilisée de manière légitime.

Comme le système de réservation ne fait pas vraiment la différence entre ces détails de ticketing, la frontière est assez perméable : si il est notoire que l'impression au guichet et l'impression en borne libre-service sont interchangeables, il est plus amusant de remarquer qu'il est possible de retirer en borne un billet destiné à être envoyé à domicile (si on le fait avant que la SNCF l'ait envoyé, par exemple dans le cas d'une commande faite sur internet pendant la nuit et retirée aussitôt en gare). Dans le même goût, il est possible de retirer en borne un Billet Imprimé, pourvu qu'on en ait pas encore demandé l'émission.

Le Billet Imprimé revêt un caractère particulier puisqu'avec lui l'usager est dispensé de passer par la case retrait d'un carton à piste magnétique. Dans les faits il y a bien ticketing du billet, mais de manière virtuelle, et le contrat est ensuite matérialisé par l'envoi d'un PDF contenant des mesures de sécurité afin que le contrôleur puisse s'assurer que le billet a bien été produit par les serveurs de la SNCF et non pas par les talents en Photoshop du fraudeur. À ce titre il est accompagné de restrictions pour éviter le double usage, comme la nécéssité de présenter une carte d'identité. Et comme la pièce matérialisant le contrat n'est plus unique il est impossible de se faire rembourser un billet ayant été ticketé par ce moyen (avant le ticketing il s'agit d'un billet télépayé non retiré sur lequel l'après-vente n'est pas spécialement restreinte). Notons que le Billet Imprimé est en train de mourir, et n'est plus proposé que sur les tarifs Prem's pour lesquels la paire origine-destination n'est pas ouverte au e-billet (jusqu'à récemment il était aussi ouvert aux porteurs d'abonnement fréquence et d'une carte Grand Voyageur)[1]. De plus il n'est pas compatible avec les trajets comprenant plus d'un segment.

Billets électroniques

Un des défauts du billet télépayé est qu'il n'est pas disponible pour les agences de voyage[2]. Jusqu'à récemment une agence de voyage voulant servir des clients à distance (rappellons qu'une bonne partie de la clientèle des agences est composée d'entreprises payant les déplacements d'affaires de leurs employés) n'avait d'autre choix que de faire un billet papier standard et de l'expédier (éventuellement par porteur spécial en cas de commande urgente) par courrier. Pas très pratique.

Pour pallier à ce problème et surtout pour éviter une distorsion de concurrence sur la vente des billets a été créé le billet électronique (que la SNCF ne distribue pas elle-même directement). Il ressemble très fort au billet télépayé, mais il y a quelques différences qui le font se rapprocher plus de billets dématerialisés que le billet télépayé. Par exemple, tandis qu'on ne peut pas retirer seulement une partie d'un aller/retour télépayé, c'est possible pour des billets électroniques, ce qui incite à ne retirer un trajet qu'au dernier moment. Un billet non retiré peut faire l'objet d'un échange par téléphone auprès de l'agence de voyage tandis que s'il a été retiré c'est plus compliqué. Ce type de billet est à rapprocher du billet électronique du monde aérien, où la carte d'embarquement reste la plupart du temps imprimée sur papier.

e-billets

En créant le e-billet, la SNCF a voulu combiner l'avantage du Billet Imprimé (impression à domicile) avec la souplesse du billet électronique. On veut donc un billet échangeable facilement et qui peut être imprimé autant de fois qu'on veut.

Afin de garantir l'authenticité du billet (puisqu'il n'y a plus de pièce unique), il a été décidé que ce ne serait plus le client qui porterait le billet. Tout est donc déplacé dans le système de réservation. Les clients sont identifiés par un numéro de client, qui est généré au vol si le client n'en possède pas un par ailleurs (comme c'est le cas pour les clients possédant une carte grand voyageur). En fonction du client le système génère une confirmation e-billet ou bien un mémo e-billet (c'est ce qui apparaît dans la zone billetterie des dossiers du système de réservation)

Avant le contrôle le contrôleur met à jour par réseau cellulaire la liste des réservations effectuées sur son train. Ensuite, au moment du contrôle, il récupère le numéro de client en scannant un code à lecture optique et consulte sa liste. Si le numéro est inconnu le terminal contacte le serveur en ligne. En théorie le contrôleur est censé vérifier l'identité du client pour éviter le double usage (même si le terminal le prévient en cas de double usage, il peut y avoir plusieurs contrôleurs) ou la fraude au remboursement (un passager voyage tandis que le titulaire se fait rembourser le billet en gare : après le départ du train, une pièce d'identité est exigible pour les opérations d'après-vente. Je ne sais pas si c'est appliqué avec rigueur). Dans les faits ce n'est pas toujours le cas. Ceci dit pour les porteurs de carte grand-voyageur comme il n'y a pas d'autre support que la carte la fraude au double usage ou au remboursement est légèrement plus délicate à mettre en oeuvre.

La difficulté de mise en place du billet totalement dématérialisé n'a pas été dans la modification (légère) du système de réservation, mais dans la nécéssité d'équiper tous les contrôleurs en terminaux fonctionnels, d'avoir un réseau cellulaire suffisament évolué pour transmettre des données de manière pratique, et de former les vendeurs et les contrôleurs aux nouvelles procédures.

[1] Ces restrictions étaient probablement en place pour éviter au maximum les fraudes à la carte bancaire. Les Prem's se prenant uniquement à l'avance cela donne le temps aux gens dont le numéro de carte bancaire a été piraté de se réveiller, tandis que les clients porteurs de carte grand voyageur sont clairement identifiés et ne peuvent donc pas frauder de cette manière.

[2] Je vois deux raisons : la première est que le retrait d'un billet électronique ne peut pas exiger la carte bancaire ayant servi au paiement. La seconde tient à des subtilités techniques et comptables liées à l'après-vente, et notamment les paiements/remboursements lors des échanges.

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